SCI 1021 Sciences, techniques et civilisations
La crédibilité des documents en ligne


Marc Couture

avec la collaboration d'Alex Francis

Sommaire

1.

Introduction

2.

Critères reliés à la validation du contenu

3.

Critères s'appliquant à l'auteur

4.

Critères reliés à l'insertion dans la littérature spécialisée

5.

Critères reliés à la forme et la structure du document

6.

Un cas particulier : la crédibilité de Wikipédia

 

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1.

Introduction

On trouve dans Internet le pire comme le meilleur, des travaux d'amateurs bâclés comme des documents rigoureux à la validité bien établie, des torchons comme de petits bijoux. Il est donc essentiel, si on veut se servir d'un document trouvé dans Internet, de pouvoir en évaluer la crédibilité. Cette démarche d'évaluation repose sur une série de critères qui se concrétisent par des questions (en italique dans le texte qui suit) à se poser au sujet de chaque document. Les réponses positives accroissent la crédibilité du document, alors que les réponses négatives la minent.

Ces critères portent sur quatre éléments principaux :

-

la validation, par une organisation reconnue ou par des personnes compétentes, du contenu du document;

-

la compétence et(ou) la réputation de l'auteur;

-

l'insertion du document dans la littérature spécialisée (livres et articles de revue scientifiques ou savants);

-

certains aspects de la forme du document.

Il faut cependant garder à l'esprit que l'application des critères de crédibilité ne fournit pas toujours une réponse claire et tranchée à la question « Puis-je vraiment me fier à cette information? ». En fait, seule une personne connaissant très bien le domaine peut évaluer avec précision la qualité et la rigueur d'un document, donc sa crédibilité.

Dans bien des cas, il sera plutôt question d'évaluer ou d'estimer la probabilité qu'un document soit valable, afin de minimiser le risque d'être induit en erreur. Mais une estimation raisonnable de la crédibilité, basée sur l'ensemble des critères décrits ci-dessous, est déjà infiniment préférable à une confiance a priori en tout ce qu'on trouve dans Internet.

 

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2.

Critères reliés à la validation du contenu

Comme il est rare qu'un auteur va déclarer qu'il n'est pas certain de ce qu'il écrit, les premières questions à se poser concernent la validation du document par d'autres (il peut s'agir autant de personnes que d'organisations) et sur la nature de cette validation.
  

-

Le document a-t-il été publié à la suite d'une évaluation par des experts?

Dans ce cas, l'organisation qui a conduit cette évaluation est garante de son contenu, et on peut considérer le document comme très crédible. Cette procédure, appelée évaluation par les pairs (peer review en anglais), est appliquée par les revues dites savantes ou scientifiques, les ouvrages (livres) collectifs avec directeur de publication et la plupart des conférences spécialisées. On reconnaît sa présence par la mention d'un comité de lecture ou scientifique (editorial board ou scientific commitee en anglais).

On retrouve bien sûr ces documents dans le site des revues ou des conférences. Mais on en trouve aussi dans les répertoires ou archives (institutionnels ou centralisés), les sites web de centres ou groupes de recherche, ainsi que dans les sites personnels des chercheurs; dans ces cas, il faut que le nom de la revue ou de la conférence soit clairement indiqué.
  

-

Sinon, le document est-il diffusé par une organisation qui se porte garante de sa qualité?

Les documents diffusés dans les sites des universités et des organismes gouvernementaux ou publics seront plus crédibles, en règle générale, que ceux des sites des organisations à but non lucratif, ces derniers étant eux-mêmes plus crédibles que ceux que l'on retrouve dans les sites des entreprises privées.

Voici quelques questions à poser, surtout pour les organisations à but non lucratif et les entreprises privées :

L'organisation est-elle nommée explicitement? Sinon, peut-elle être identifiée?
Aussi curieux que cela puisse paraître, il est parfois impossible de savoir qui est responsable d'un document diffusé en ligne.

Peut-on contacter l'organisation par téléphone? Par la poste? Par courrier électronique?
Certains organisations, malgré un nom ronflant ou d'allure sérieuse, n'existent... que dans l'intention ou l'imagination d'un individu qui veut mettre ses idées de l'avant.

L'organisation est-elle connue du grand public?
Une entreprise très connue peut être sensible aux éventuelles critiques portant sur la rigueur ou la qualité des documents qu'elle diffuse.

Le sujet du document est-il relié au domaine d'activités de l'organisation?

L'organisation ou l'entreprise est-elle neutre par rapport au sujet du document?
Il se peut qu'elle ait au contraire intérêt à ce qu'un point de vue plutôt qu'un autre s'impose. Que penser, par exemple, d'une page sur les changements climatiques dans le site d'une entreprise pétrolière?

Rappelons qu'il est question ici de probabilité qu'un document soit rigoureux et de qualité, car certains documents diffusés dans des sites commerciaux peuvent être de meilleure qualité que d'autres, traitant du même sujet, pourtant issus d'organismes publics ou universitaires.

En général, l'organisation responsable du document est bien identifiée et offre dans sa page d'accueil un lien vers une page qui la décrit et, donc, pourrait aider à répondre aux questions précédentes. Cependant, il arrive que certaines pages repérées par un moteur de recherche ne comportent pas de lien permettant de retrouver cette information. Dans ce cas, des éléments du nom de domaine (première partie de l'adresse URL, entre http://, suivi ou non de www, et la barre oblique suivante) permettent souvent de déterminer le type d'organisation. Des exemples :

entreprises privées (mais parfois des individus) : .com

universités :
     .edu, aux États-Unis; exemple : mit.edu (MIT),
     .ac.uk, au Royaume-Uni; exemple : ox.ac.uk (Oxford),
      univ-[nom].fr, en France; exemple : univ-lyon1.fr (Lyon 1),
     .ac.be, en Belgique; exemple : ulg.ac.be (Liège),
      u[nom].ca ou [nom]u.ca, au Canada; exemple : sfu.ca (Simon Fraser);

organisations à but non lucratif : .org

organismes gouvernementaux :
     .gov (organismes du gouvernement américain),
     .gc.ca (organismes fédéraux du Canada),
     .gouv.[xx].ca (organismes provinciaux, xx = qc : Québec, on : Ontario...).

Soulignons également que cette analyse vaut si le document est effectivement approuvé ou endossé d'une certaine façon par l'organisation. Il peut arriver qu'une organisation se dégage explicitement de cette responsabilité, par exemple en fournissant à ses membres un espace où ceux-ci diffusent des documents sans que l'organisation ne se mêle de leur contenu. Cette pratique est surtout répandue dans le monde de l'enseignement.

Si la mention qu'il s'agit d'un site personnel n'est pas explicite, l'adresse URL du document peut le suggérer, par exemple quand elle contient :

le nom de l'auteur ou une abréviation de celui-ci (par exemple, mcouture), souvent précédé du symbole ~ (tilde);

des termes comme « personnel », « members », « staff », « faculty », etc.

Les deux adresses suivantes, qui mènent toutes deux au site personnel de l'auteur de ces lignes, sont explicites à cet égard :

  

http://www.teluq.ca/~mcouture
http://www.teluq.ca/spersonnel/mcouture

Pour évaluer la crédibilité d'un document non évalué par les pairs et diffusé dans un site personnel, ou un site dont on ne connaît pas le responsable du contenu, on a recours aux critères proposés dans les trois prochaines sections.

 

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3.

Critères s'appliquant à l'auteur

Ces critères et les questions associées portent sur la compétence de l'auteur relativement au(x) sujet(s) traité(s) dans le document.

-

Peut-on identifier l'auteur du document?

Cela peut se faire soit directement (si la page est signée), soit indirectement, en remontant à des pages de plus haut niveau dans le site; on recherchera notamment les mentions de copyright.
  

-

La profession de l'auteur, son organisation de rattachement et sa position dans celle-ci sont-elles mentionnées?

Dans la négative, est-il possible de contacter l'auteur pour obtenir ces informations?
  

-

Les informations disponibles permettent-elles de déterminer que l'auteur fait partie d'une des catégories suivantes :

Un chercheur (c'est à dire une personne détenant un diplôme d'études supérieures et menant des activités de recherche dans une université ou un centre, institut ou direction de recherche) spécialiste du sujet ou, à tout le moins, œuvrant dans le domaine où s'inscrit le sujet.

Une personne œuvrant en dehors du milieu de la recherche, mais compétente en vertu de sa formation et de son expérience.

Une autorité en la matière reconnue par une communauté de spécialistes.
  

-

L'auteur a-t-il déjà publié ou diffusé des documents crédibles sur le même sujet ou des sujets connexes?
  

-

L'auteur ou son organisation de rattachement sont-ils neutres par rapport au sujet?

Il se peut qu'ils aient au contraire intérêt à ce qu'un point de vue plutôt qu'un autre s'impose.

 

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4.

Critères reliés à l'insertion dans la littérature spécialisée

Ces critères touchent le fait qu'un document crédible constituera un maillon dans l'ensemble de la littérature portant sur le sujet. Il s'appuiera ainsi sur des documents crédibles déjà publiés, et des documents crédibles publiés par la suite lui feront référence. Voici les questions qu'il convient de se poser :

-

Dans le document, retrouve-t-on au fil du texte, à l'appui des énoncés qu'il contient, des renvois à des documents externes?  

Ces renvois adopteront soit la forme de numéros de notes de fin de document, soit la forme (Auteur, année), qui correspondront à une notice bibliographique à la fin du texte.
  

-  

Le document contient-il une liste de références (bibliographiques ou webographiques) générales à la fin du texte (autres que celles associées aux renvois dans le texte)?
  

-

Si la réponse à l'une ou l'autre des deux questions précédentes est oui, ces références sont-elles crédibles et directement reliées au contenu du document?

Une notice bibliographique bien construite doit normalement permettre d'appliquer une bonne parte des critères de crédibilité de la section précédente. Cependant, les références à des documents en ligne sont souvent incomplètes, se résumant parfois à une simple adresse URL (qui permet cependant de consulter le document).
  

- 

Le document est-il cité (au moyen d'une référence bibliographique ou webographique) dans des documents crédibles?

  

Il est beaucoup plus difficile de répondre à cette question qu'aux précédentes. On peut utiliser à cette fin le moteur de recherche Google Scholar, qui filtre les résultats de Google pour retenir surtout des documents crédibles, souvent évalués par les pairs.

  

Il suffit d'entrer comme requête de recherche le titre du document (entre guillemets) et, si celui-ci est trop général, le nom de l'auteur. La majorité des résultats seront des documents citant celui dont on évalue la crédibilité. L'examen des adresses URL et, si nécessaire, de quelques-uns des documents eux-mêmes, nous permettra de déterminer si les documents qui le citent sont eux-mêmes crédibles d'emblée (articles scientifiques, livres publiés par des maisons d'édition reconnues, communications présentées à des congrès, etc.).

 

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5.

Critères reliés à la forme et la structure du document

Finalement, lorsque les autres critères ne peuvent être appliqués, ce qui signifie déjà que l'on est probablement en présence d'un document peu crédible, des critères portant sur les caractéristiques du document lui-même peuvent être employés. On pourra dans ce cas obtenir une estimation sommaire de sa crédibilité. Ces critères portent sur la forme et la structure du document; ils se traduisent pas les questions suivantes.

-

Le document est-il rédigé dans une langue correcte (orthographe, grammaire)?

Un document contenant un nombre significatif de fautes ne doit pas être retenu.
  

-

L'auteur semble-t-il avoir consacré son énergie à présenter clairement l'information plutôt qu'à en « mettre plein la vue »?  

En d'autres termes, privilégie-t-il le contenu, ou le contenant?
  

-

Les titres de pages et (ou) de sections sont-ils clairs? Significatifs?
  

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S'il y a des dispositifs de présentation visuelle (graphiques, tableaux, figures), sont-ils accompagnés de titres ou de légendes? Sont-ils décrits dans le texte?
  

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La nature du document et l'objectif qu'il poursuit sont-ils clairement décrits?
  

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Y a-t-il des indications suggérant que le document est dans un état final et non « en construction »?
  

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Y a-t-il des indications qui suggèrent que l'information présentée dans le document est à jour?

Ce critère, plus ou moins pertinent selon le sujet et le type d'informations, peut être appliqué en examinant les dates des références, ou en recherchant la mention « mise à jour le XXXX ». Cependant, il faut demeurer prudent sur ce plan, car il arrive souvent que des sites portent la date du jour, peu importe la date effective de mise à jour, ou encore qu'une mise à jour récente ait consisté en des changements mineurs, voire triviaux ou purement cosmétiques.

 

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6.

Un cas particulier : la crédibilité de Wikipédia

L'encyclopédie Wikipédia est devenue une source d'information incontournable. Cependant, les discussions sur sa qualité, et donc sur la crédibilité des informations qu'on y trouve, se poursuivent depuis sa création. Mais peut-on appliquer à un article de Wikipédia la méthode d'évaluation de la crédibilité décrite ci-dessus? La réponse est : « en partie ». Voyons ce qu'il en est pour chacune des quatre catégories de critères de crédibilité proposés ici.
  

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Critères reliés à la validation du contenu

Wikipédia, comme elle l'annonce elle-même dans sa page Avertissements généraux, « ne garantit pas la validité, l'exactitude, l'exhaustivité ni la pertinence des informations contenues sur son site ».

Cela dit, ses gestionnaires ont instauré un certain nombre de mesures destinées à favoriser la qualité des articles. La principale est un système de classement des articles selon six niveaux d'avancement, dont les critères recoupent en partie ceux qui sont proposés ici. Ce système est géré par des communautés de contributeurs, souvent réunis autour de Projets assez généraux. Pour les deux derniers niveaux d'avancement, soit « bon article » (BA) et « article de qualité » (AdQ), on fait appel à une forme d'évaluation par les pairs appelée Atelier de lecture. Il faut cependant garder à l'esprit, comme le rappelle d'ailleurs Wikipédia, qu'un article, quel que soit son niveau d'avancement, peut à tout moment être modifié par quiconque.
  

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Critères s'appliquant à l'auteur

Compte tenu de la nature collaborative d'un wiki, ce critère ne peut s'appliquer. En effet, même s'il est possible d'obtenir, pour chaque article, la liste de contributeurs, leurs contributions respectives sont difficiles à évaluer, et leur identité ou leurs caractéristiques généralement impossibles à déterminer.
  

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Critères reliés à l'insertion dans la littérature spécialisée

Pour le premier volet de ce critère, soit la présence de références à des documents crédibles, on peut appliquer directement les questions proposées ici. L'ajout de renvois et de références crédibles est d'ailleurs un critère important permettant à un article de progresser dans les niveaux d'avancement. Mentionnons à cet égard que beaucoup d'articles portent la mention que des références externes doivent être ajoutées.

Pour le second volet, soit les références à l'article dans des documents crédibles, les choses sont plus complexes, pour trois raisons principales.

La relative nouveauté de Wikipédia et les questions soulevées par son mode d'élaboration font que les chercheurs hésitent à se fonder (du moins ouvertement) sur les articles de Wikipédia, même ceux dont ils peuvent constater la qualité.

Les encyclopédies sont peu citées de toute façon dans la littérature scientifique; on préfère employer des sources plus spécialisées.

La manière de citer un article de Wikipédia n'est par normalisée comme pour les articles et les livres; on se contente souvent de faire référence à l'adresse URL. Par ailleurs, les titres des articles sont souvent assez généraux. Il convient donc de faire la recherche dans Google Scholar avec, comme requête de recherche, l'adresse URL plutôt que le titre de l'article.

Mais une particularité des adresses des articles de Wikipédia français complique les choses : elles contiennent le titre, où les lettres accentuées peuvent être codées ou non. Par exemple, l'adresse URL de l'article « André Vésale » se présente sous les deux formes suivantes :

fr.wikipedia.org/wiki/André_Vésale
fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_V%C3%A9sale

et il n'est pas possible de savoir quelle forme sera employée.

Ce critère prendra donc une valeur toute relative compte tenu à la fois du rôle que joue une encyclopédie dans la littérature scientifique ou savante, et de la difficulté à évaluer le nombre de références à un article de Wikipédia.
  

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Critères reliés à la forme et la structure du document

Sur ce plan également, Wikipédia a mis en place plusieurs mesures, dont des consignes détaillées sur la forme des articles, un atelier de relecture, etc. Les critères de progression dans les niveaux d'avancement font aussi une bonne place à ces critères.

En conclusion, malgré l'ensemble des mesures mises en place, force est d'admettre que la qualité des articles de Wikipédia est (et demeurera) très variable, notamment pour les articles non classés ou classés aux premiers niveaux d'avancement. Il conviendra donc la plupart du temps d'évaluer la crédibilité de ces articles comme on le fait pour tout autre document en ligne (avec la réserve concernant l'évaluation de la compétence de l'auteur).

Rappelons également l'avertissement fourni par Wilkipédia dans la page Mise en garde sur le contenu :

Wikipédia est un projet en cours de développement, et de nombreux articles contiennent des erreurs, des préjugés, des duplications de contenus alors que d'autres ont tout simplement besoin d'attention. [...] La grande majorité des articles sont écrits principalement ou uniquement par des personnes qui ne sont pas expertes en la matière...

 

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Mise à jour : 7 septembre 2015